Pendant la semaine sainte, Toone met en scène le Vrai Mystère de la Passion de Notre-Seigneur. Alors que tous les personnages sont présents sur la scène, la Vierge s’approche de son fils pour le réconforter. Le Christ, infiniment las, lui répond : « Och, Moema ! Ik hem flanelle biene ! ». Dit dans le langage de chez nous, par les acteurs de Toone, n’est-ce pas là un moment des plus émouvants du théâtre ?
Dans les coulisses, les plus grands noms de l’histoire : Charlemagne-à-la-barbe-fleurie, Poepa, le duc de Guise, Blache de Nevers, Lagardère, les spadassins, la Sainte-Vierge, Jeudass, Juuzeke et tant d’autres.
La préférence de Toone va aux pièces de cape et d’épée dans lesquelles les nobles chevaliers sont aux prises avec les vilains traîtres.
Toone leur fait parler tous la même langue mais il parvient à se placer dans la peau de chacun de ses personnages.
Ses représentations ont fait les délices de Bruxelles-Kermesse, à l’exposition universelle de 1910.
Extrait du livre « La rue Bruxelloise vers 1900 » de la CGER
1931, Toone est ressuscité ! C’est dans un des coins les plus pittoresques de la rue Haute, au n°6 de la rue Christine, que s’est ouvert en cette fin du mois de mars le théâtre de marionnettes de Toone V, plus communément dénommé Daniel Van Landewijck. Il succède à Jan de Crol.
Extrait du journal « Le Soir »
Noël chez Toone.
Vers les années 1917-18, le grand écrivain belge Michel de Ghelderode entreprit la tâche de mettre par écrit, pour qu’elle ne se perde jamais la tradition orale qui se transmettait de père en fils dans la dynastie des montreurs de marionnettes et qui remontait à l’époque de la domination espagnole. Dans ce but, il se mit à fréquenter assidûment les Marolles et recueillit de la bouche de Jean Hembauf, dit Toone IV, les éléments nécessaires à la rédaction de ces petits chefs-d’œuvre de folklore.
Voici en résumé l’histoire de la Nativité telle que José Géal 6ème de la dynastie des Toone la présent encore aujourd’hui.
-La scène du castelet représente Béthléem où Joseph et Marie se sont rendus pour calcul des enfants. La ville de la Nativité est présentée sous l’aspect… de la Grand’Place de Bruxelles.
Le préposé à l’ordre public n’est autre qu’un brave ajoein ou stockagent (agent de police) de la capitale, qui accueille le couple….
L’agent : - Qu’est-ce que vous faites sur la voie publique ? Allei, circulei !
Joseph : - Rien. Nous sommes à la rue. Ayez pitié de nous !
L’agent : Ca est triste. Vous avez l’air de gens convenab’. Si vous êtes pas trop difficiles, prenez la première rue à droite. Vous trouverez une étab’ avec un âne et un bœuf.
Marie : - Merci, monsieur l’agent. Le petit Jésus va naître à minuit…
Un ange de Dieu apparaît aux bergers effrayés. Leurs trognes enluminées, représentant des hommes du peuple, rappellent irrésistiblement les Masques ostendais du peintre James Ensor.
L’ange : - Allez adorer le petit Jésus. Moi, je regarderai à votre troupeau.
Un berger : - Ousqu’y faut aller, Monsieur l’Ange ?
L’ange : - C’est là ousque l’étoile pend dessus.
Les bergers, en chœur : - Allons adorer le petit Jésus qui à froid !
Hérode, le traître de la Nativité, est représenté sous le costume d’un homme de loi (genre de personnage très peu prisé du populaire. Il vient d’apprendre de la bouche de son devin Pinnemouch que Jésus était né et que ce petit bébé allait le mettre bas, lui le grand roi célèbre dans l’Histoire Sainte.
Il appelle ses sbires (représentés par des marionnettes habillées en soldats espagnols de l’époque de Philippe II) et leur dit :
-Vous allez tuer tous les petits enfants qui viennent de naître. Comme ça, je suis sûr de pas manquer le petit Jésus !
Un sbire : - Sire, y z’ont rien fait, tous ces mennekes !
Hérode : - Ca est un ordre ! Et pour finir, coupe la tête de ce Jean-Baptiste qui a baptisé le petit Jésus … et apporte-la.
Le sbire : - Dans du papier ou sur une assiette ?
Nous somme à nouveau sur la Grand’Place de Béthléem-Bruxelles. Les sbires procèdent au massacre des innocents sous l’œil attérré des parents. Hurlement, batailles féroces, brutis d’orage. Tout à coup, le capitaine des sbires crie Victoire ! …
Tous s’en vont et le capitaine va faire son rapport à Hérode.
Le capitaine : - Sire, on les a tous tués !
Hérode : - Tu es un leugenoet (menteur). Ca est pas vrai ! Le petit Jésus à joué Schampavie !
Le capitaine : - Ca est impossib’ !
Hérode : - Combien de ketjes as-tu tranchés ?
Le capitaine : - 200..357 tous justes.
Hérode : - Il y en a un trop peu. Recommence !
Le capitaine : Pitié, Sire ! Je n’ai plus le courage….
Hérode : - Ara ! (il tue tous les bires).
Tout à coup, Lucifer et la Mort apparaissent dans une apothéose de feux de Bengale. Hérode est terrifié.
Lucifer : - Misérable bourreau ! Ton heure a sonné !
Hérode : - Attends ! Je vais me repentir …
Lucifer : - Trop tard !
Lutte effroyable… Hérode est entraîné en enfer avec tous ses sbires.
Lorsque le spectacle est terminé, la toile de fon du castelet se lève et une crèche illuminée apparaît. Elle reproduit fidèlement, avec des marionnettes, celles que l’on peut voir les églises. Michel de Ghelderode, qui assista aux anciennes représentations de Toone, rapporte :
« En ce moment, un joueur entonnait une chanson de circonstance. A la fin de l’air, il jetait des bonbons bon marché dans la salle. Le public populaire, qui attendait cet instant, criaillait à tue-tête : Koekskes ! Koekskes !